From: Miod Vallat Date: Wed, 19 Mar 2003 19:03:23 +0000 (UTC) > Ah, flûte, je me fais avoir comme un bleu (de Laqeuille). > > Bon, je vais poster une recette dans la journée. Désolé pour le retard. J'ai l'habitude de compter les pommes de terre en poignées, il me fallait attendre de pouvoir en peser une poignée pour pouvoir vous donner la recette dans des unités utiles... Aligot au miel du père Miod --------------------------- Ce plat est déconseillé aux personnes ne supportant pas l'ail, ou le fromage, ou les deux. Ingrédients (pour 3 ou 4 personnes selons les apétits) : - environ 800 grammes de pommes de terre. - un pot de 50cl de crème fraîche. Pas un petit, hein, de toute façon s'il y a du reste, ça servira un autre jour ; - 150 à 250 grammes de tomme fraiche, selon vos goûts en fromage. Par tomme, j'entends ici de la tomme de Cantal, pas de la tomme de montagne. Prendre du jeune, à défaut de l'entre deux. Ce que j'en dis, c'est qu'il faudra le raper plus tard, et plus il est jeune, moins vous aurez à inventer de nouveaux jurons pour la circonstance ; [Variante : avec de la fourme de rochefort, ce n'est pas mal du tout non plus] - de l'aïl, bien sûr. disons trois têtes, mais une ou deux de plus ne feront aucun mal ; - du sel (pas nécessairement à gros grains) ; - du poivre, de préférence en grains ; c'est optionnel ; - et bien sûr, un peu de miel doux. Préparation et cuisson (compter 1 heure) Épluchez les pommes de terre. Faire cuire les pommes de terre à l'eau où à la vapeur. Comme il vous faudra une cocotte minute, de toutes façons, et que ça ira plus vite à la vapeur, autant le faire à la vapeur. Ne pas oublier de saler l'eau. [Inconvénient : quand on enlève la soupape, ça fait peur aux chats] Pendant la cuisson des pommes de terre, qui va prendre 30 à 40 minutes, c'est le moment de transformer le fromage en purée ; une rape à fromage est l'instrument le mieux adapté. En cas de non disponibilité de cet ustensile, je recommande de couper le fromage en petits cubes (enfin, vu comment certains manient le couteau ici, ce seront plutôt des petits parallépipèdes déformés, mais sachons faire preuve d'indulgence). Quand je dis petits, je veux dire quelque chose dans les 8x6x8 millimètres. Attention les doigts. Si vous êtes deux personnes ou plus à préparer, la première qui se moque des performances de l'autre en rapage ou coupage de fromage a gagné le droit de s'occuper de l'ail, et de couper les têtes en petits morceaux, lui aussi ; on verra si elle fait toujours sa maligne, après. Si vous êtes tout(e) seul(e), c'est encore pour votre pomme. Du nerf ! À ce moment, comme tout est bien calculé, les pommes de terre sont cuites. C'est le moment de faire en sorte qu'une telle chose n'advienne pas des carottes : ouvrez la cocotte minute, laissez la vapeur belliqueuse se frayer un chemin vers l'extérieur. C'est le moment d'aller chercher la bouteille de vin à la cave, où la sortir du réfrigérateur, et de l'ouvrir, afin que le vin monte en température tout doucement. Armé d'un robot électroménager (ou tout simplement d'une spatule en bois et d'une fourchette en métal), et de la hargne que seul quelqu'un victime de son quatorzième BSOD dans la même heure peut ressentir, écrasez sans pitié ni rémission les pommes de terre, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une purée amorphe et sans vie au fond de la cocotte-minute. Attention, c'est chaud. Les pommes de terre étant réduites à l'impuissance, étouffez-les en versant petit à petit le fromage rapé ou cubique, et la crème petit à petit, tandis que de l'autre main, vous manierez avec dextérité une spatule en bois afin de tourner la purée et homogénéiser le mélange. Oui, c'est faisable avec deux mains, pour peu que l'on fasse preuve d'un minimum de dextérité. [Attention : ne pas verser la crème trop vite. Il ne faut surtout pas que la purée devienne trop liquide, mais il ne faut pas non plus que vous ayez à dégager un effort supérieur à celui de la mère Denis pour tourner cette mixture] Et le miel, miladiou ! Où est le miel ! De temps en temps, au lieu de mettre un peu plus de crème, mettez une cuillérée à café de miel, ne serait-ce que pour l'odeur. Au total, il ne faut pas dépasser une cuillérée à soupe de miel, voire une demi si le miel n'est pas si doux. Sinon le goût du miel est trop fort. Quand la spatule se fraye un chemin sans trop de résistance, sans que la purée ressemble non plus à la place du marché de Sommières (Gard) en septembre dernier, c'est le moment de placer un peu partout qui un morçeau d'aïl, qui un grain de poivre, qui un peu de sel. En ce qui me concerne, quand personne ne regarde, j'y rajoute aussi un peu de mie de pain blanche en toutes petites boules. Une douce odeur d'aligot doit commencer à se dégager. Sans vous laisser distraire, continuer de bercer le plat avec la spatule en bois, après l'avoir remis sur le feu, afin d'éviter que l'aligot n'attache aux parois. Des bulles d'air qui s'échappent viennent crever la surface et exploser en riant à intervalles irrégulier, signe que tout va bien. Quand leur nombre commence à se multiplier, touiller vigoureusement. Il y en a bien pour dix à quinze minutes de touillage selon la chaleur de la flamme (et sur plaque électrique ou à induction me direz-vous ? Je vous réponderai avec dédain que l'aligot ne se cuisine pas n'importe comment, feu de bois où gaz uniquement, béotiens !), la taille de la cocotte-minute, votre apétit.. et tout simplement la température du plat - il ne sert à rien de le laisser brûler ! Au passage, je rapelle que celui qui a la spatule peut en profiter pour goûter discrètement sous prétexte de tâter la température. Quand tout est bon, il reste à couper le feu, et à servir les convives déjà attablés et tout sourire à l'idée du repas qu'ils vont faire. Pour accompagner l'aligot, je recommande un bon vin de Bourgogne. Un Côtes de Beaune ou un Pineau Noir feront parfaitement l'affaire, mais libre à vous de tenter d'autres choix de vin. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un bon apétit. Attention, c'est chaud. "Quand on vient manger chez Miod, on n'est jamais déçu par le fromage." -- Brice Cazaux